T’es pas chanceux…

Fiston c’est cyclique, ça vient par bourrées, je vous l’ai déjà expliqué. Mais ce sont aussi de gros morceaux qui passent, des étapes importantes dans le développement d’un enfant. Et pour les autistes, parfois c’est surprenant.

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J’ai obligé fiston à aller aux scouts ce soir. J’ai besoin de répit et la tentation d’un deux heures seule était trop grande. Il est tellement intense ces temps-ci. Et en plus, il a passé une mauvaise journée à l’école. Il me disait que l’école a failli appeler la police, encore une fois. (Je sais, on m’a téléphoné trois fois dans la matinée pour me tenir au courant des événements!)

Sa première réaction était non, il ne voulait pas aller aux scouts. Quand je l’ai obligé, il s’est incliné sans trop d’opposition.  Mais il était en évitement total lorsqu’on est arrivé. Sans son habit de neige. Il a mis son pantalon de neige le plus lentement possible accoté sur une porte, à l’extérieur, dans un froid de -15 degrés Celsius. Ça ne lui tentait pas.

Vous vous doutez bien qu’il n’a pas passé la meilleure soirée de sa vie. Au cours de la soirée, il a accroché un autre garçon et ce dernier a très mal réagit. Fiston me disait que l’autre était tellement envahi qu’il n’était plus rationnel. Il voulait être à égalité (dans les coups) avec fiston, donc escalade de violence. Méchante analyse quand même de la situation…

Je ne l’ai pas ramené tout de suite à la maison, je suis partie lui faire attraper quelques Pokémons, histoire de le laisser décompresser. Et sur le chemin de la maison, il s’est ouvert.

Le cerveau

Fiston m’expliquait qu’il commence à se sentir mal en voiture. Le mal des transports? Peut-être. Mais surtout qu’il a de la difficulté à voir défiler le paysage à toute vitesse. Il me disait qu’un jour, alors qu’il était avec son père en voiture, son cerveau a fait le vide, faute de trop de stimulis peut-être. Quoi qu’il en soit, le ralentissement de son cerveau lui a causé la peur de sa vie. Son cerveau, selon ses mots, s’est presque arrêté. Parce que fiston mise énormément sur son cerveau.

Je suis tombée cette semaine sur cet article, dans lequel un homme raconte comment son cerveau fonctionne. Et bien fiston vient de me raconter la même chose.

Mon cerveau ne s’arrête pas; il tourne et se déplace dans différentes directions créant des réseaux de motifs, liés par des teintes variables. La recherche constante, la quête sans fin d’une réponse et l’apparition de l’anxiété quand une question se pose, tout devient de plus en plus clair et brillant comme si c’était un cri, demandant une solution. Il ne peut pas être laissé dans l’inconnu. Le quitter, c’est invoquer des intrusions régulières dans mon esprit, des exigences de plus en plus aiguës qui me semblent être une pression de plus en plus forte à l’intérieur de ma tête, essayant de forcer le passage.

Fiston me disait que ça tourne et roule vraiment vite dans sa tête et de voir le tout, ne serait-ce que ralentir un peu, l’effraie au plus au point. La constante ébullition de son cerveau le rassure. Il s’y est habitué.

Il me disait qu’il aimerait être un fantôme, un fantôme qui a son cerveau intact et son âme, mais sans corps. Son corps physique le dérange. Je lui ai demandé ce qu’il n’aimait pas de son corps… il a répondu ses orteils, ses jambes, ses genoux, ses tendons de l’aine, ses parties génitales, son ventre, ses bras, ses coudes. Et il a terminé par son nez et ses oreilles. Mais pas sa tête….

Fiston ne veut plus de son corps.

Il aimerait être comme les scientifiques fous dans les films qui réussissent à transférer leur intelligence dans une machine, mais ‘sans que cela ne finisse mal parce qu’ils sont méchants’. Fiston déteste les méchants, ils sont injustes à son avis….

Fiston considère que son cerveau est la seule chose qui mérite d’être sauvée.

Sauvée de quoi?

T’es pas chanceux…

À l’âge où la puberté se pointe le bout du nez, fiston est très critique de ses pairs. Il constate que ces derniers n’ont qu’une seule chose en tête: le sexe opposé. Pour lui, ce ne sont que des idioties.

Lui n’a qu’une seule préoccupation: la mort. Il regarde tout ce qui se passe autour de lui et constate la futilité de tout. Tout ce qu’il veut dire aux gens c’est:

T’es pas chanceux, c’est la mort qui t’attend!

Pourquoi aller à l’école? c’est la mort qui t’attend!

Pourquoi travailler? c’est la mort qui t’attend!

Pourquoi la retraite? c’est la mort qui t’attend.

Rien n’est important, de toute façon, c’est la mort qui t’attend.

Méchante déduction pour un enfant de 11 ans…

Il s’est mis à pleurer; pleurer comme s’il avait tout le poids du monde sur ses épaules. Lui, dans sa tête, a passé toutes les étapes de la vie, et inéluctablement ce qui l’attend au bout c’est la mort, et ça il ne l’accepte pas. Il ne la veut pas. Il en a peur, évidemment.

Alors pourquoi faire tant d’efforts aujourd’hui si la fin est inévitable et que seul le moment est inconnu?

Ben ça, c’est la partie que je dois lui faire comprendre. Méchant défi. Si vous avez des idées pour faire comprendre à un Aspie que la vie vaut la peine d’être vécue, ne vous gênez pas pour les partager.

Si jamais vous croisez fiston, ne lui parler pas de ces sujets. Merci!

 

 

 

 

 

 

 

2 réflexions sur “T’es pas chanceux…

  1. Mon garçon est encore petit et joyeux la majorité du temps, mais il commence à être plus épuisé aussi, je pense, de se sentir comme une pomme parmi tout le paquet d’oranges. Et être tout le temps le centre de l’attention à cause de ses défis, ça doit pas être évident (pré-ado, j’aurais aussi eu envie de m’enfoncer solidement la tuque sur la tête). Est-ce que ton garçon a des activités qu’il aime ou des thèmes qui l’intéressent? J’ai l’impression que d’avoir du succès ou juste du fun dans un premier temps l’aiderait peut-être à changer sa perspective. Est-ce qu’il y a des environnements qui sont plus faciles que d’autres pour lui? Courage, en tout cas!

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    • Même les activités que fiston préfère sont difficiles pour lui ces temps-ci. Des environnements plus faciles pour lui? pas vraiment en ce moment. Il est dans une passe où rien ne l’intéresse sauf la télé, l’ordi ou la tablette. Mais je pense que c’est un passage obligé pour beaucoup d’autistes. Il prend conscience de son corps, a de la difficulté à l’accepter, mais on va lui donner les outils pour l’intégrer. Merci pour le commentaire.

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